jeudi 29 octobre 2009

Énergie : ordres de grandeur (1)

Un cycliste pesant 70kg qui monte le col du Tourmalet (23 km, 1 455 m de dénivelé à 6,3 % en moyenne) produit un travail W équivalent à :
W = m (masse du cycliste) x g (pesanteur) x h (hauteur), soit :
<=> W = 70 [kg] x 9,81 [N/kg] x 1 455 [m]
<=> W = 1 000 000 N.m, soit 1 000 000 J [joule], soit 1 MJ (mégajoule).

Cela revient à faire fonctionner :
- une ampoule 75 W pendant 3h42min ;
- un ordinateur bureau pendant 1 h ;
- un ordinateur portable pendant 5 h.

Par comparaison, le pouvoir calorifique inférieur (PCI) d'un litre de supercarburant est de 32,39 MJ. (!!!)

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La production électrique, au niveau mondial (2006), se répartit ainsi :
- énergie fossile : 66,2 % (charbon, 40% ; gaz naturel, 20 % ; pétrole, 6 %)
- hydraulique : 16,6 %
- nucléaire : 15 %
- biomasse : 1,1 %
- éolien : 0,6 %
- ...
- solaire : : 0,03 %
- ...

On peut donc raisonnablement douter du fait que la voiture électrique soit la solution miracle pour résoudre le problème des émissions de GES (gaz à effet de serre) dans le domaine des transports...

mercredi 21 octobre 2009

La "tyrannie du Bien" du développement durable

Franck Boutté livre sa "vision d'une métropole durable". Son intervention est instructive car elle nous met en garde contre les dangers que peut entraîner l'application extrême de certains principes du développement durable.

Si l'ambition environnementale a peu à peu glissé du bâtiment vers la ville, l'écoquartier n'est "pas encore de la ville" car encore pensé comme "une série de bâtiments performants", et pas comme un morceau de ville. Prenant en référence BedZed, exemple de la "ville générée par un principe héliotropique poussé à l'extrême", il pense qu'en généralisant un tel principe on fabrique "une ville qu'on va détruire" car c'est une ville "qu'on n'aime pas", où toutes les rues et tous les bâtiments se ressemblent puisque l'application d'un même principe conduit peu ou prou à la même forme.

Il propose de travailler sur des thèmes de "durabilité intégrée" :
- connectivité ("il vaudrait mieux faire un bâtiment RT 2OO5 à la croisée de trois lignes de transports en commun plutôt qu'un bâtiment énergie zéro sans aucune infrastructure de transport") ;
- densité ("mais là où on est connectés") ;
- porosité ("contre-point de la densité") ;
- efficacité associée à la qualité ;
- mixité.

Il prône une anticipation des quatre freins de la recherche à la performance (coûts de construction, faisabilité technique, financement, usage) afin d'éviter que celle-ci "ne fabrique des objets et des villes qu'on ne désire plus".

L'entrevue complète est disponible ici.

samedi 3 octobre 2009

Kerigonan, un vaisseau d'urbanité


Localisation

Brest, Îlot Kerigonan, 1990

Architectes : Édith Girard, Lucas Meister (assistant)

Bien qu'épargnés par les bombardements, les premiers immeubles HBM brestois (construits à Kerigonan, entre 1925 et 1928) n'en étaient pas moins dégradés.

L'OPAC de la Communauté urbaine de Brest décida donc de les démolir et lança un concours en vue d'y reconstruire des logements ainsi que des bureaux pour accueillir son propre siège. La lauréate, Édith Girard, fut désignée en 1986 ; la première pierre fut posée à la fin de l'année suivante et l'inauguration se déroula en juin 1990.

Le projet possède une double dimension. D'une part, il forme un vaisseau (ou une « citadelle » pour certains) posé sur un point haut et donc visible de très loin. D'autre part, il constitue un véritable morceau de ville en ménageant une place et de multiples porosités, dont la plus marquante est l'allée de Kerigonan. Celle-ci traverse le programme selon une orientation sud-ouest/nord-est.


Au nord-ouest, une grande barre d'une centaine de mètres de long permet d'asseoir le programme dans la silhouette de la ville en marquant fortement les perceptions lointaines. Il s'agit d'un écran dirigé vers la ville, qui capte donc le regard mais qui offre aussi une vue dégagée à un grand nombre de résidents. Le traitement différencié qu'elle reçoit, alternant plots de béton brut (avec les fenêtres dans le sens de la hauteur) et parties peintes en blanc (avec fenêtres en longueur) à pour objectif d'éviter de tomber dans la monotonie répétitive.

Au sud-est, une équerre de logements longe la rue Brizeux et se retourne le long de l'allée de Kerigonan. On y distingue, comme sur d'autres parties du programme, plusieurs références à Le Corbusier : fenêtres en longueur, « morceaux de sucre » entre les fenêtres rappelant le dispositif utilisé au couvent de la Tourette, toiture-terrasse sur une partie avec un mur de protection évidé en son centre par une ouverture en longueur rappelant la villa Savoye, partie sur pilotis offrant un passage vers la place Jean Prigent.

La place articule cette partie du projet avec le siège de l'OPAC.

Alors que la grande barre de logements entre en dialogue avec la ville dans sa grande dimension et dans ses perceptions lointaines, le siège de l'OPAC cherche lui à s'intégrer au tissu urbain proche. Il reconstitue un front bâti entre les rues de Glasgow et Mathieu Donnart dont l'angle n'est pas traité de manière saillante mais est au contraire adouci par une courbe. Le revêtement en plaques de zinc rappelle les maisons de la rue Malakoff, situées à quelques dizaines de mètres. Édifiées dans un cône de tir, celles-ci devaient pouvoir être démontées très rapidement ; elles ont donc été dotées d'une structure très légère : ossature bois avec un revêtement d'écailles de zinc.

Collé au siège de l'OPAC, un dernier bâtiment boucle le programme le long de la rue Mathieu Donnart. Il est traité de la même manière que la grande barre (béton brut/parties blanches).


On retrouve, comme tout au long du parcours de l'architecte, la même attention portée aux accès (souvent individualisés) et la même volonté de maximiser le nombre de terrasses, balcons ou loggias.

Mais plus qu'une leçon d'architecture, Édith Girard nous livre un récital d'urbanité. La gradation entre espace public et espace privé est particulièrement soignée, comme en témoignent plusieurs détails.

Tout d'abord, le retrait du bâtiment en équerre sur la rue de Glasgow laisse deviner la place Tanguy Prigent et invite au passage, mais les ouvertures sont assez étroites pour faire comprendre le caractère semi-public du lieu.

Ensuite, on accède à un côté de l'allée qui traverse le site par un escalier, ce qui marque une distance avec la rue.

Autre exemple, la dimension des passages ménagés dans la barre laissent penser qu'ils sont en priorité réservés aux riverains.

Enfin, la partie sous pilotis marque la connexion entre la place et l'allée ; mais c'est aussi là que se situe l'entrée du gardien de l'immeuble.



Détails du programme : 126 logements PLA (8 793 m² habitables), bureaux (3 375 m² HO), 214 places de parking.

Coût : 54 millions de francs